Islam pour mémoire vu par Anne Schneider (Sens critique)

…Pour mémoire…

 Le documentaire de la réalisatrice normande, implantée en Bretagne, Bénédicte Pagnot, se présente en effet comme un film témoin, témoin du grand intellectuel franco-tunisien que fut Abdelwahab Meddeb, animateur jusqu’à son dernier souffle, sur France Culture, de l’émission « Cultures d’islam ».

Partant de Rennes, où la voix mélodieuse et profondément pacifique du grand homme lui parvient sur les ondes radiophoniques, la réalisatrice provoque une rencontre et s’aventure, tantôt avec lui, tantôt sur ses pas, en terre d’islam, dans nombre de pays musulmans. Sont ainsi recueillis des moments de cours dispensés par Abdelwahab Meddeb à l’Université de Paris X Nanterre, cours de littérature comparée où le professeur évoque le contact que l’auteur germanique, Gœthe, eut avec la littérature musulmane ; des fragments de conférences données à l’étranger ; des rencontres que l’islamologue, qui s’était choisi Paris pour patrie, eut avec d’autres intellectuels musulmans ; témoin, cet échange passionnant avec une intellectuelle musulmane voilée, concernant l’importance centrale accordée, de nos jours, à ce fameux voile… La pensée de Meddeb se dégage, une pensée qui souhaiterait plus que tout faire de l’islam une religion vivante et vivable, et non la puissance de mort et de meurtre qu’elle risque de devenir actuellement.

On pourrait reprocher à ce film une certaine inorganisation, une forme d’errance, vagabondant de thème en thème, sans qu’un enjeu soit clairement dégagé ni une dramatisation mise en place. Ce serait prendre racine dans la norme de la rectitude occidentale et faire fi de la figure de l’arabesque, si structurante en Orient. La réalisatrice confesse d’ailleurs volontiers s’être laissé imprégner par la méthode de celui qui était aussi romancier, poète et essayiste : le « butinage ».

Servi par un remarquable sens de l’image et de sa construction – que celle-ci enferme des nuages, des végétaux, des pans de murs en chantier ou le regard bleu, aussi scrutateur que bienveillant, d’Abdelwahab Meddeb -, force est de reconnaître que c’est ici un bien beau miel que la réalisatrice, en duo avec une figure mémorielle, nous a livré ici.

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